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LE CLOCHER DE MARENNES.

Ce souhait à peine exprimé comble de joie la vieille fille.

« Et moi qui ne savais où te conduire ! Voilà qui est trouvé ! ma mignonne ! Oh la bonne idée ! Tu vas voir comme c’est charmant là-haut. Quelle belle vue ! Quel panorama magnifique ! Allons-y tout de suite, mais prenons un autre chemin pour éviter Rigobert, qui ne serait certainement pas de notre avis. ».

On se mit à la recherche du vieux gardien. Et pour une petite pièce de monnaie l’énorme porte bardée de fer, qui fermait l’entrée de l’escalier, fut promptement ouverte à Liette et à la vieille cousine. L’une suivant l’autre elles gravirent encore assez vivement les deux ou trois cents marches de pierre, toutes rongées par l’usure des siècles passés, couvertes de la poussière d’un grand nombre de générations.

Elles avaient à peine monté une vingtaine de degrés lorsque le gardien, qui connaissait Mlle Mazure, lui demanda la permission « vu ses pauvres jambes » de ne pas les accompagner.

Liette ne comprit pas comment ce vieil homme, qui faisait souvent deux fois par jour cette ascension, pouvait se priver encore une fois d’un si grand plaisir. Aussi, dans la pensée de lui manifester l’étonnement que lui causait de sa part une semblable insouciance, et son mépris pour la faiblesse impardonnable de ses vieilles jambes, accéléra-t-elle le pas au risque de se rompre le cou sur les marches.

Des ouvertures étroites, de distance en distance, et par lesquelles on regardait en gravissant, montraient au loin la campagne, et tout en bas lorsqu’on se penchait, les toitures des maisons devenant de plus en plus petites.

Liette dans le ravissement, ne sentait ni ses jambes se raidir, ni la tête lui tourner ; elle entendait bien derrière elle, Mlle Élodio, tout en nage, souffler bruyamment, et de temps en temps l’appeler afin de l’empêcher d’atteindre avant elle la plate-forme ; mais elle faisait la sourde oreille et montait sans se lasser.

Enfin, la dernière marche est franchie ! la voilà joyeuse, tout au bas du clocheton, moussu et dentelé, dans l’espace ensoleillé.

Le cousine Élodie ne l’a pas trompée. Cette galerie est char-