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LE CLOCHER DE MARENNES.

des messieurs, de vrais messieurs déguisés, qui jouaient la comédie. —

« Jette-leur donc un sou pour rire », disait-elle, en souriant à son oncle.

Liette planait dans les cieux !

Bientôt parut au loin le fameux clocher pointu.

« Mais c’est ma Tour de la Lanterne, s’écria-t-elle avec admiration ; nous allons donc vers la mer ? Quel bonheur !

— Non, ce n’est point la Tour de la Lanterne, mais un clocher deux fois plus haut et que l’on voit à deux ou trois lieues de distance », répondit son oncle.

Et ce voyage de deux heures, au trot très modéré de Cocotte, parut à Liette une merveille de rapidité, d’autant plus que Rouillard, selon son habitude, d’agrémenta de plusieurs histoires.

On arriva à onze heures et demie, juste pour se mettre à table.

Ah ! quelle réception ! Tante Maure avait dû faire mettre les petits plats dans les grands ! Des gâteaux, des crèmes, et tous les paquets dépliés des Gerbies répandirent avec profusion sur la table les plus appétissantes friandises.

Liette n’avait eu garde d’oublier le bouquet qu’on lui avait confié, et cette charmante attention de tante Minette pour flatter le goût passionné d’Élodie Mazure pour les fleurs loi assura instantanément les bonnes grâces de la vieille demoiselle.

D’après Liette, la grande tante Mazure devait bien avoir au moins cent ans. Elle n’y voyait presque plus, marchait fort difficilement, boitait même en s’aidant pour se diriger soit d’une canne béquille, soit du bras de sa fille ; et comme elle n’avait plus de dents, la fillette ne s’étonnait pas de l’entendre bredouiller en parlant. Mais elle paraissait si douce et si bonne qu’on ne devait pas s’ennuyer chez elle.

À vrai dire sa fille, la cousine Élodie, petite rougeaude, vive, agissante, amusante, parlait et se remuait pour elles deux. Liette et elle furent promptement bonnes amies ; et tandis que l’oncle Rigobert, une fois le café pris, s’était esquivé chez son avoué et de là au tribunal, la vieille demoiselle s’était emparée de l’enfant,