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LA TOUR DE LA LANTERNE.

par bien des côtés, et elle résolut de travailler sérieusement à son éducation : morale, comme elle la comprenait. Elle lui inculqua les principes du devoir chrétien, laissant à l’expérience de la vie le soin de lui donner à l’occasion des leçons de devoirs civiques. Elle jeta-en son âme naïve une toute petite graine de foi, persuadée que le grain germerait, Elle lui apprit à prier. Oh ! elle ne lui enseigne pas des prières longues et endormantes, mais la prière, courte, vive, ardente, qui est dans la bouche en même temps que dans le cœur ; c’est-à-dire l’élan qui sait demander ou bien remercier.

Puis, comme en se jouant, elle lui donne les principes de ses devoirs envers ses semblables : charité, bonté, générosité.

Envers se famille : dévouement, franchise, affection.

Envers elle-même : dignité, respect de sa personne et de la parole donnée. Elle lui inspirait l’horreur du mensonge, non seulement comme une faute envers sa conscience, mais aussi comme une faiblesse indigne.

Liette était en bonnes mains. Son frais cerveau, très impressionnable, s’éveillait à l’idée du Beau que Mme Minhet lui inçulquait comme une haute leçon de morale.

Elle se sentait tranquille, heureuse d’obéir à cette volonté ferme et juste ; aussi, c’était à cette chère tante qu’elle confiait tout ce qui lui arrivait ou tout ce qui lui passait par l’esprit, cherchant à être auprès d’elle le plus souvent possible.

Tante Minette s’était encore donné une autre mission. Elle s’était faite le régulateur des dépenses des Gerbies, ménageant avec soin la bourse familiale, alors que tonton Rigobert, un peu insouciant en matière d’argent, était d’une générosité inquiétante avec certains compères de la Voirelle qu’il trouvait naturel d’aider dans leurs embarras.

Mais, pour cacher à Baude-lsart les générosités et peut-être aussi quelques fortes dépenses inutiles de son frère Rigobert, elle était forcée parfois d’essuyer de terribles scènes de son aîné, qui ne plaisantait pas, lui, lorsqu’il s’agissait d’argent gaspillé.

Un roué, ce Baude-Isart !