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LA MAISON DE FAMILLE.

Tante Minette s’en étant aperçue, passa sa main caressante dans les blonds cheveux de l’enfant, l’embrassa, l’appela ma petite reine », afin de détruire l’impression pénible qui perlait dans ses beaux yeux.

L’oncle Baude-Isart n’aimait pas sa maman ; cela était visible. Eh bien ! elle non plus n’aimerait pas ce vilain homme, peu poli, méchant et mal habillé. Elle ne lui parlerait jamais, elle ne le regarderait plus.

Après cette ferme résolution, Liette s’évertua à manger sans lever la tête, ce qui ne lui était pas habituel, et alla se coucher, sans renouveler à l’oncle Baude-Isart le bonsoir qu’elle lui avait gentiment souhaité, quand il était apparu dans la salle à manger. Mais celui-ci n’eut pas l’air de s’apercevoir du départ de l’enfant, qui avait présenté son front à la ronde, en ayant soin de le passer.

Baude-Isart devait avoir à dire à grand-papa et à son frère des choses intéressantes et passablement terribles, car longtemps encore, elle entendit sa grosse voix enrouée et « tourmenteuse » s’élever dans le silence de la nuit.

Tante Minette avait pris prétexte de garder l’enfant pour rester dans sa chambre et ne pas prendre part à l’émouvante conversation d’en bas ; elle n’en perdait pas une syllabe, assise dans son fauteuil, près de la lampe allumée, le front dans sa main. Il est à croire que ce qu’elle entendait lui faisait de la peine ; car elle se servit bien souvent de son mouchoir, même après qu’elle fut couchée et la lumière éteinte.