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LA TOUR DE LA LANTERNE.

Liette regardait de tous côtés les prairies, les bois, la route qu’elle avait parcourue, et il lui parut que cet ensemble de choses, la maison comprise, avait démesurément grandi pendant la nuit.

Elle alla présenter son front à grand-papa Baude, et le trouva, lui aussi, plus majestueux que la veille. Les yeux de Liette s’agrandissaient, semblait-il, en raison de l’espace qu’ils embrassaient et que ses petites jambes allaient désormais parcourir.

« Tu peux aller partout, avait dit tante Minette, mais jamais du côté de la mare où les bêtes vont boire, car il y a des crapauds et des vipères qui pourraient te mordre. »

Liette, qui en avait une naturelle horreur et une très salutaire peur, promit de n’y point aller ; et tout heureuse de l’affabilité que paraissait particulièrement lui témoigner tonton Rigobert, elle prit sa main et se rendit avec lui faire visite aux étables, admirer les vaches et les veaux qui sautaient constamment à côté de leur mère. Les bœufs et les chevaux partaient pour les prairies ; Liette les laissa passer sans crainte ; elle trouvait cependant que les poulains faisaient des gambades bien inquiétantes.

Tonton Rigobert recommanda alors à la fillette de ne jamais aller dans les prés où ces bêtes étaient parquées. Il la conduisit au colombier ; pour y parvenir, elle dut monter un escalier étroit et raide, peu commode pour ceux qui ont le vertige, mais avec tonton Rigobert Liette n’avait pas la moindre crainte, elle aurait même sûrement avec lui grimpé au clocher de l’église, qui paraissait au loin à travers les arbres de la charmille. Elle prit entre ses mains un joli pigeon dont la robe rose et violette était bien douce à toucher ; mais elle le replaça vite sur les œufs de son nid, quand elle sentit entre ses mains son petit cœur battre d’effroi.

De quoi pouvait donc avoir peur ce ramier ? Qu’il était nigaud ! est-ce que Liette savait faire du mal aux bêtes ? Elle descendit, tout attristée de la sottise du pigeon, mais la station qu’elle fit devant la cabane des lapins dissipa promptement ce furtif chagrin.