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LA TOUR DE LA LANTERNE.

famille et charger une personne sérieuse et désintéressée de cette grave tache.

Oui, il faut inlerroger Liette avec précision, et l’oncle Baude-Isart est là pour cet interrogatoire. Liette ne voit, ni ne comprend les pièges que lui tend cet homme qui, on ne sait pourquoi, ne l’a jamais aimée.

Elle raconte sa disparition, mais d’une façon incomplète, car elle ne se rappelle pas comment elle s’est retrouvée dans l’île de Man.

Elle ne peut expliquer non plus la légère balafre qui lui coupe la figure, et quand on lui demande le nom des gens qui l’ont élevée, elle ne veut pas nommer Mrs Moore, dans la crainte des mensonges que pourrait faire cette femme.

Ses réponses incomplètes, son silence, ses réticences sont mal interprétés par Baude-Isart. Sa timidité qu’augmente encore son accent défectueux, sa pauvre mise rendue pitoyable par suite des misères de son retour, mettent en garde ses parents tout à l’heure assez bien disposés. Et la pauvre fille s’aperçoit que, malgré tous les efforts de l’oncle Rigobert et de sa grand’mère, des obstacles insurmontables seront de nouveau dressés contre elle.

On discute âprement, et la discussion prend à présent les proportions d’une dispute ; car tous s’en mêlent, ceux qui croient en elle et ceux qui doutent.

À la tête de ces derniers, Baude-Isart, les yeux hors de la tête, frappant du poing sur la table pour être écouté, finit par décider que, jusqu’à plus amples informations, Liette devra encore se retirer aux Brettaux.

Ah ! mais l’oncle Rigobert ne l’entend pas de cette oreille ! Lui, jusqu’à ce jour si facilement soumis ou convaincu, en goûtant derechef du commandement, a sans doute appris à affranchir sa volonté. Il l’impose net, et péremptoirement déclare qu’il partira sur l’heure, en emmenant Liette, si l’on parle encore de la renvoyer.

Tante Minette se range à son opinion. Mme Baude, désespérée, pleure silencieuse, tandis que M. et Mme Verlet, très angoissés, cherchant encore à se convaincre que Liette est sincère, lui font demandes sur demandes.