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LA TOUR DE LA LANTERNE.

Et sans attendre l’opinion des siens, il jeta Liette dans les bras défaillants de catte grand’mère bien-aimée et dans ceux de son père et de sa mère stupéfaits et tremblants.

Oh ! que Liette est bien la tête, penchée sur l’épaule de sa grand’- mère, qui lui passe comme autrefois ses doigts caressants dans les cheveux ; et c’est en versant de bien douces larmes qu’elle la presse sur-son cœur. N’est-ce pas sa Liette, sa petite-fille chérie qu’elle vient enfin de retrouver ?

Oh ! ne me dites pas que çe n’est pas ma fille, répond Mme Baude aux ironiques regards de son beau-frère, mon cœur ne me’trompe pas. Rigobert a raison.

— Ma chère enfant, dit à son tour Mme Minhet très perplexe, ne sauriez-vous me rappeler quelque chose de votre petite enfance, un fait particulier par exemple, connu seulement de nous deux et qui me donnerait confiance en vous ?

— Certes, je puis répondre à cette demande », répondit Liette, en souriant ; et après un instant de réflexion :

« Est-ce que tante Minette possède encore le portrait de son fils Philippe ? est-ce que Philippe écrit toujours ? et sa pensée lui rapporte-t-elle enfin assez d’argent pour pouvoir venir ici embrasser sa mère ? »

N’étaient-ce pas les chagrins intimes que tante Minette avait jadis et que sa petite-nièce, Liette, seule connaissait ? Mme Minhet serra tendrement la jeune fille sur son cœur :

« Je reconnais ton âme, chère Liette, dit-elle, bien que je ne retrouve pas les traits gracieux de ton visage d’autrefois. Conte-nous maintenant ta douloureuse histoire. »

Liette parla, et elle parla longtemps. Cependant, près de la fenêtre, Baude-Isart discutait d’un air animé avec grand-papa et les autrės membres de la famille ; et ce qu’il disait semblait produire sur ceux qui l’écoutaient une fâcheuse impression.

Décidément, ce retour paraît de nouveau singulier ; et on ne peut, en dépit des désirs de l’oncle Rigobert, de Mme Baude et de tante Minhet, l’admettre avec une aussi grande facilité.

Pour interroger avec soin cette jeune fille, il faut l’isoler de la