Page:Savary - La Tour de la lanterne (= Les Malheurs de Liette) 2e édition - 1913.pdf/237

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
238
LA TOUR DE LA LANTERNE.

En ce moment précis elle perçoit un bruit léger et lointain, comme le rythme d’un pas d’homme sur la terre couverte de feuilles. Elle tressaille. Les pas se rapprochent ; elle se redresse, écoute, puis regarde….

Elle a cru reconnaître le bruit de ce pas souple et assuré, de même qu’elle reconnaît maintenant la silhouette du voyageur qui se dirige de son côté. Ce mâle visage n’cst-il pas celui de l’officier qui l’a tant intriguée au cimetière de La Rochelle ? Et voilà, qu’ici même, au milieu des bois de la Voirette, son souvenir faisant un bond prodigieux en arrière, lui rappelle tout à coup le bon regard de tonton Rigobert.

Son cœur a parlé ; elle ne se trompe pas.

« Oh ! mon oncle, s’écrie Liette, mon cher oncle Rigobert ! »

Le voyageur s’arrête à quelques pas seulement de cette jolie jeune femme, qui vient de l’appeler avec tant de tendresse.

L’oncle Rigobert, qui n’est plus un jouvenceau, n’a pas non plus le cœur d’un rigide puritain. Le ton d’angoisse de cette jeune fille l’émeut, l’intéresse. Il la considère à son tour, et reconnaît immédiatement la personne entrevue à l’enterrement de M. Leypeumal et à laquelle il avait trouvé uņe vague ressemblance avec sa belle-sœur. Il s’étonne, néanmoins, de cette nouvelle rencontre, et son œil surpris, mais bienveillant, réclame une explication.

Liette va la lui donner. Promptement, et avec une facilité qui la surprend elle-même, elle lui raconte son histoire lamentable, ses peines, ses déboires ; avec le ton pénétrant de ceux qu’on écoute et qui subjuguent, elle fait entrer la conviction dans l’âme de l’officier.

L’oncle a écouté attentivement ce long récit tragique et pitoyable ; il lui semble très vraisemblable. Est-ce que les preuves n’abondent pas ? Alors, ce bon géant de Rigobert, qui ne demande qu’à croire, ouvre ses grands bras à sa charmante nièce, la presse sur son cœur ; puis, sans tarder, l’entraîne vers la maison que l’on aperçoit toute rose, là-haut, derrière les peupliers.