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ESPOIR ET DÉCEPTION.

Visiblement soulagé d’une grosse préoccupation, Rouillard continua :

« Vous n’avez qu’à marcher tout dret jusqu’à la Voirette que vous laisserez sur votre gauche, et vous prendrez à droite une allée de grands peupliers qui conduit au portail des Gerbies. »

Sans plus un mot Liette descendit.

Rouillard alors fouetta sa bete qui partit au galop.

Une fois seule, la situation parut très nette à la jeune fille : Le vieux domestique ne voulait pas se compromettre dans le cas où sa reconnaissance serait discutée ; alors elle se demanda si elle ne ferait pas mieux de revenir sur ses pas, de passer la nuit dans le dernier petit village qu’elle venait de traverser, et dès le lendemain de retourner à la métairie du Moüet près de la bonne maîtresse Châlin. Là, elle écrirait à sa grand’mère, et, en attendant la réponse, elle s’offrirait pour aider Élisa.

Son entrée aux Gerbies était impossible par suite de la mauvaise volonté qu’elle lisait dans le ceur de ceux sur lesquels elle comptait ; et le courage lui manquait pour affronter de nouvelles épreuves, inutiles peut-être.

C’était décidément un bien triste calvaire à gravir que toutes les stations de ce retour !

Elle consulta l’horizon. Le jour baissait, mais habituée à la marche, elle calculait qu’elle serait de retour au village avant la nuit.

En montant sur le talus du chemin, elle aperçut au loin la carriole de Rouillard qui disparaissait dans la brume du soir. Derrière elle se dressait le clocher de l’église, lui indiquant la direction qu’elle devait prendre.

Elle revint sur ses pas, marchant résolument sur la route encore humide des pluies récentes, s’enveloppant dans son tartan pour résister aux frissons fiévreux qui la secouaient par instants.

Personne ne paraissait sur cette route solitaire.

Tout en marchant elle pensait à sa vie marquée du sceau néfaste du malheur.

Plus de douces pensées ne se pressaient dans son cerveau, mais,