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UN DÉBRIS DE LA GRANDE ARMÉE.

Après cet acte de grossière générosité, les portes furent soigneusement fermées en dedans.

Une fois sur la route, Liette, chancelante, fut quelques minutes à reprendre ses sens.

Gertrude lui fourra un morceau de pain dans sa poche.

L’estomac vide, l’âme pleine d’angoisse, elle se mit à courir, en sanglotant, sans savoir où elle allait, sur le chemin qui conduisait à la mer. Elle l’entendait gronder dans le lointain ; traîner lugubrement ses vagues pleines de haine ; siffler, hurler entre les roches sa furie extravagante, et jeter sur les galets, en les roulant bruyamment dans sa rage, son dépit et sa colère sauvage !

Ce pendant que son cœur, son pauvre cœur à elle, comme un océan d’amertumes, bondissait tumultueusement dans sa poitrine, et que de ses lèvres serrées et convulsées sortaient des cris de douleur et de honte.

En elle et dehors la tempête. Oh ! l’amer moment !…

Alors que le vent d’ouest tordait les tamaris et balayait sur Laleu, en une épaisse fumée humide, les embruns de cette mer démontée, Liette, mouillée jusqu’aux os, parvenait peu à peu à calmer son horrible désespoir.