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LA TOUR DE LA LANTERNE.

consent à lui répondre, que lui apprendra-t-il surtout ? oh ! cette crainte la démonte.

Silencieuse, en pleurs, elle suit l’enterrement d’abord à l’église, puis au cimetière, sans s’apercevoir qu’elle est la seule femme, perdue dans cette foule d’hommes qui se pressent derrière le char mortuaire.

Entièrement à sa douleur, elle ne remarque pas la magnificence de ces obsèques que fait grandioses une partie de la population rochelaise.

Au cimetière, elle n’écoute pas les longs discours, ni les adieux émus des nombreux amis de l’ancien maire, et elle n’entend pas non plus le bruit de la fusillade qu’exécute le peloton d’infanterie sur la tombe du légionnaire.

Refoulée peu à peu par l’assistance vers une division éloignée, elle s’appuie, à la fin de la cérémonie, à un grillage qui’entoure un espace sablé, ratissé avec soin. Au fond, se détachant sur un rideau d’arbustes et de verdure, s’élève un monument d’une architecture toute simple, laissant voir à son fronton ces mots écrits en lettres dorées :

FAMILLE BAUDE-DELFOSSY

.

En les lisant machinalement Liette tressaille.

Elle n’avait rien cherché, rien demandé ; et cependant, d’une façon presque mystérieurese, sa destinée l’a conduite par la main, justement là où elle va apprendre le vérité qu’elle désire connaitre.

La jeune fille tombe à genoux sur un tertre voisin, et la tête dans les mains, avec un sentiment d’angoisse inexprimable, elle lit sur le plaque de marbre noir le nom de ceux qui reposent pour toujours dans ce coin solitaire et qu’elle ne reverra plus, hélas !

EDOUARD-PIERRE BAUDE
ancien professeur, libraire-éditeur
1806-1864
MÉLANIE-CYDALISE DELFOSSY,
née Degaimée
1789-1863