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DÉSILLUSIONS

de sa situation présente. Ce sera sans s’en rendre compte qu’elle suivra, accablée, l’enterrement de ce cher parrain qu’elle se faisait, il n’y a qu’un instant encore, une fête de retrouver.

Revenir précisément de son exil pour assister à une aussi lugubre cérémonie, quelle coïncidence !

Dans les voitures de deuil, aux lanternes voilées de crêpe, qui marchent au pas, elle cherche du regard, mais en vain, à rencontrer un œil ami, une figure de connaissance. Personne, dans ce cortège, ne rappelle à Liette une silhouette aimée. Seul, un vieux brave homme qui s’essuie de temps en temps les yeux du revers de sa main et qui a, on ne sait pourquoi, une carnassière passée en sautoir autour de la taille, lui fait penser qu’elle marche près du père Pinteau, le métayer de M. Leypeumal. Lui et le vieil original au panier ressuscitent quelques-uns de ses jeunes souvenirs ; alors le nom du baron de Beauminois lui revient sur les lèvres.

Un grand nombre de soldats sillonnait la rue.

Peut-être lui dirait-il quelque chose, ce bon vieillard ? mais il n’est pas facile de l’aborder ; puis, que lui demander, si, d’aventure, elle peut parvenir à le rejoindre ? pour qui la prendra-t-il ? et s’il