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LA TOUR DE LA LANTERNE.

Pourquoi étaient-ils aussi sales ? L’eau ne manquait pourtant pas antour d’eux. :

Lorsqu’elle s’en ouvrit à Botte, celle-ci lui expliqua que ces figures étaient trop vieilles pour êtres propres. Réflexion qui jeta Liette dans une étrange perplexité. Elle était bien sûre, cependant, que les vieilles figures se lavaient, ayant assisté une fois à la toilette de grand’maman Delfossy.

Se bonne avait parfois des réponses qui ne la satisfaisaient pas, et Liette se demandait pourquoi les grandes personnes ne disaient pas la même vérité sur chaque chose.

Ainsi, par exemple, le soir, quand par hasard elle n’était pas au lit à neuf heures, pourquoi son grand-père lui disait-il, en entendant sonner le couvre-feu, que c’était l’heure où les honnêtes gens rentraient chez eux pour se coucher, alors que, juste à ce moment-là, M. Leypeumal, M. et Mme Piron ou la famille Metremoy arrivaient pour passer la soirée.

Pourquoi encore appelait-on cette cloche le couvre-feu, puisque à l’heure même où on la sonnait, elle avait remarqué que sa grand’mère demandait invariablement à Marie de mettre une nouvelle bûche dans l’âtre, pour activer la flamme ?

Il faudrait pourtant s’entendre, pensait la petite Liotie, qui savait déjà raisonner très intelligemment.

Son esprit toujours en contact avec des gens sérieux, bons et indulgents pour ses petits défauts, se développait sans contrainte. Elle grandissait, admirée et surtout aimée par tous, joyeuse et insouciante, à l’âge heureux où un baiser maternel et une tartine de confiture font tont le bonheur.

Chaque courrier parlant pour les Indes emportait une longue lettre de Mme Baude, détaillant à sa fille la vie tout en rose de sa Liette chérie.

Et ainsi, peu à peu, la mignonne atteignit sa sixième année.