Page:Savary - La Tour de la lanterne (= Les Malheurs de Liette) 2e édition - 1913.pdf/158

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
159
RÉVÉLATIONS.

fixèrent sur les murs noirs, humides et nus. C’était misérable, crasseux à force de vétusté.

« Cependant la flamme, augmentant d’intensité, fit briller au-dessus du grabat du malheureux un objet métallique… Harris ! pourrai-je continuer ? demanda Liette craintive tout à coup ; la chose que je vais dire est si fabuleuse, si étrange ! Non, vous ne me croiriez pas.

— Je vous croirai toujours, chère Liette, reprit Harris passionnément intéressé. Je vous croirai même dans l’invraisemblable.

Ne sais-je pas que votre bouche n’a jamais menti ? poursuivez donc sans crainte d’une ironie ou d’un doute offensants.

— Oui, dit Liette, au surplus les coïncidences dans la vie sont si imprévues, si invraisemblables souvent, qu’elles arrachent des cris d’étonnement et même d’épouvante, lorsque le fantastique est vraiment le réel.

« L’objet qui attirait mes regards était une sorte de boule dorée, d’un brillant merveilleux, rutilant comme une petite étoile dans un ciel sombre. Cette boule était la pomme d’or martelée de brillants d’une canne retenue avec soin au mur par deux nœuds de ruban noir.

« Pourquoi éprouvai-je, à ce moment, l’irrésistible envie de voir de près cet objet bizarre ? Je ne saurais le dire.

« M’approchant doucement, je regardai.

« … Quel éclair déchira à l’instant la nuée obscure qui entourait mes lointains souvenirs ! Comment arriva-t-il qu’en posant de nouveau mes yeux interrogateurs sur l’unique richesse de ce taudis, ma mémoire subitement s’illuminât, éclairant une vision de mon enfance.

« Mes pensées, tout à coup très lucides, soulevèrent le voile épais derrière lequel s’était cachée jusqu’alors l’histoire de mon passé. Ce passé brumeux, incohérent, m’apparut enfin clair, lumineux, et ses rayons, pénétrant profondément mon intelligence, me dévoilèrent tous les mystères si longtemps incompris de mon enfance malheureuse.

« Alors, l’œil dilaté par la surprise et secouée intérieurement par