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LA TOUR DE LA LANTERNE.

si charmante, elle la contempla longuement ; et la figure rayonnante, elle l’emporta, comme un tourbillon, au-devant du jeune père, qui venait chaque matin embrasser sa fillette. « Harris ! Harris ! s’écria Liette, en l’apercevant. Ne me parlez pas autrement qu’en français, et regardez comme votre Lottie est belle.

— Lottie est telle que je la vois chaque jour, mais vous, Liette, je ne vous ai jamais vue aussi joyeuse ; vos yeux brillent de bonheur, quel beau rêve avez-vous donc fait ? Racontez vite, pour que j’en aie ma part.

— Oui, répondit Liette, mon bonheur est infini ! mais ce n’est pas un rêve qui fait chanter mon âme. Oh ! Harris, si vous vous doutiez !… »

Le jeune homme contempla une minute Liette, et visiblement ému :

« Dites vite… bien que je ne sache pourquoi… j’appréhende de savoir ce que vous allez me dire. Mais tout d’abord, Liette, est-ce vrai ce que raconte Mathebury ? Vous auriez sauvé hier, en vous jetant à l’eau, et en nageant entre les deux passes des îlots, l’enfant unique des Morrisson. Je ne croyais pas que vous sussiez nager.

— Moi non plus, dit simplement la jeune fille. Hier, je l’ignorais encore ; mais aujourd’hui je me rappelle qui me l’a appris autrefois !

« Ô Harris, écoutez ce qui m’est arrivé, et dites-moi comment on pourrait, après cela, nier qu’il y ait une Providence !

« Je revenais de la ville en longeant la côte. J’étais arrivée devant la masure de Carter, lorsque j’entendis des appels de détresse. C’était le pauvre petit Ralph, qui venait de disparaître dans l’eau en tombant des roches sur lesquelles il s’amusait avec l’enfant des Mathebury. En deux bonds je fus près d’eux ; et sautant dans la mer, sans réfléchir, je nageai vers l’enfant qui se débattait encore. Je fus assez heureuse pour le saisir, mais en revenant vers le rivage, épuisée des efforts que j’avais de faire au milieu des brisants, je m’évanouis en touchant la terre.

« Un homme avait été témoin de la dernière partie de cette scène.