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LE TEMPS MARCHE, MAIS L’ESPÉRANCE DEMEURE.

voyage qu’elles lui envoient de Londres ou de l’étranger, lui prouvent qu’elles ne souviennent toujours de leur intéressante et jeune protégée.

Mais ces gages d’un sentiment d’affection réciproque, qui se mêle dans le cœur de Liette à la plus vive reconnaissance, ne suffiraient pas à éclairer la route grise et sans joie qu’elle parcourt, si la présence de la petite Lottie n’était venu, doucement, un jour, l’illuminer d’un véritable rayon de soleil.

Lottie a vingt-deux mois, elle commence à jaser ; tout sourit à l’enfant, lorsque Liette est près d’elle. Elles font ensemble, chaque jour, de belles promenades et ne retournent l’une et l’autre qu’à contre-cœur au cottage rejoindre la morose grand’mère, qui trouve les absences toujours trop longues pour sa solitude et son bien-être.

Lorsque Lottie est couchée, Liette travaille alors sans relâche à son métier : puis va de temps en temps à la ville, comme le faisait autrefois Edith, pour y porter l’ouvrage. C’est elle encore qui cultive le jardin.

Cette vie vulgaire, monotone et de travaux pénibles, ne correspond pas à l’élément intime de sa personne ; rien en elle ne lui fait comprendre, ni aimer les occupations et les brumes de cette terre froide, où la fatalité l’a jetée toute petite fille. Si elle n’avait près d’elle Lottie et Harris, son ame angoissée ne pourrait supporter cette dure et glaciale existence, faite de devoirs qui ne peuvent l’attacher. Mais les mois s’écoulent encore, comme se sont écoulées les années, sans faire jaillir l’étincelle de vérité dans sa mémoire.