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LA TOUR DE LA LANTERNE.


Elle n’est cependant pas bête, Botte, mais elle est bavarde ; et l’amour de parler fui fait dire des sottises ou commettre des indiscrétions dont elle se repent aussitôt.

Rien de plus simple en apparence et de plus innocent que l’entrée en matière.

« Eb bien ! ma petite, disait par exemple jovialement, un jour, M. Reydire, commencez-vous à vous habituer à la ville ? On est bien ici, hein ! chez de bons maîtres, peu d’ouvrage ; peut-être vêtue per eux ? cela doit valoir mieux que de biner les vignes.

— Oh. bien sûr ! monsieur, mais si ce n’était pas tout de même pour cette petite chérie que j’aime, je serions mieux, à neut, à la Voirette.

— Alors, vous regrettez la Voirette. Quel est-il ce pays ?

— Celui du père de M. Baude, pardienne !

— Ah ! très bien. Je ne croyais pas M. Baude natif de la campagne.

— Monsieur n’est pas un campagnard. J’ignore s’il est né à la Voirette, mais je sais bien que son père y demeure tout près du mien, dans une belle propriété qui s’appelle les Gerbies. C’est parce qu’ils se connaissent que je suis venue ici.

— Le père de M. Baude habite près de chez vous ? Alors, vous connaissez, sans doute, toute sa famille ?

— Mais certainement. Ils sont cinq ou six enfants bien bons et pas méprisants ; mais le mieux de tous, c’est encore le vieux père. Ah ! quel brave homme ! »

Mme Reydire, petite personne un peu précieuse, vint prendre part à la conversation, et, avec détachement, demanda à Botte si tous ces gens-là étaient riches.

« Je n’en sais rien ; je n’ai pas compté avec eux, répondit la jeune paysanne. Seulement, depuis l’année passée, ils ont renvoyé deux de leurs domestiques, et M. Rigobert, le cadet des fils, s’occupe maintenant de la propriété. On prenait autrefois mon père en journée plus souvent qu’aujourd’hui. Le vieux M. Baude dit parfois : que les temps sont devenus bien durs.