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LA TOUR DE LA LANTERNE.

— Jamais ! oh ! non jamais pour nous », avaient répondu M. et Mme Baude en sanglotant.

Liette, qui venait de disparaître si inopinément, emporta non seulement les regrets de ses amis, mais encore, sembla-t-il, la vie de ses grands-parents.

Mme Baude, brisée de douleur, ne fut bientôt que l’ombre d’elle-même. M. Baude fit une longue maladie et ne recouvra jamais la la santé. M. Leypeumal, qui adorait cette enfant, consacra les jours qui suivirent ce tragique événement à faire rechercher sous ses yeux le petit corps. On fit des sondages, on dragua la vase du bassin, celle du port, mais sans résultat, Et chacun finit par penser que la pauvre fillette avait été emportée en pleine mer. Désormais on la pleura comme on pleure ceux qui ne sont plus.

Seul, M. Leypeumal ne voulut pas admettre cette hypothèse. Lorsqu’il lui arrivait de parler, les larmes aux yeux, de sa petite filleule, il laissait entendre que cette étrange disparition n’avait pas dit son dernier mot.

La population rochelaise prit une part bien touchante aux regrets de la famille Baude ; puis, peu à peu le vie de chacun reprit son cours normal, et, comme dg toutes choses ici-bas, on finit par perdre le souvenir de cette horrible catastrophe.

Zélie, à laquelle la nouvelle du prochain mariage de son père avait si malheureusement tourné la tête, chassée de chez ses maîtres, retourna vers la Voirette.

Le père Malaquin ne put se consoler, lui, le pauvre homme, d’avoir été la cause indirecte de la disparition de l’enfant. Il fut interrogé per la justice. On se rappela, en effet, que lors de sa première apparition aux Gerbies, il se trouvait avec des bohémiens qui avaient beaucoup impressionné Liette ; mais, devant ses franches réponses et son manifeste chagrin, on ne l’inquiéta plus.

Quand il pensait à cette jolie petite fille, si charmante et si bonne, son cœur, disait-il, s’ébouillait de douleur.

Le printemps s’écoula, l’été disparut aussi, sans ramener le sourire à jamais envolé du foyer des Baude.