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UNE TERRIBLE AVENTURE.

les becs de gaz s’allumaient comme des flammes de veillées funèbres, et la mer, en clapotant sur le granit du bassin, montait lentement.

Zélia pleurait à chaudes larmer.

Tout à coup apparut, courant comme un égaré, un homme de haute stature, suivi d’une femme en pleurs ; ils appelaient « Liette ! Liette ! » C’était M. Baude qu’une personne était allée prévenir du désespoir de la bonne et de la disparition de l’enfant. Mme Baude le suivait plus morte que vive, la pauvre créature ! Lui, pris d’une soudaine colère, saisit Zélia par les poignets, la secoue avec force, lui demandant de lui rendre sa pauvre petite chérie, son unique trésor.

La malheureuse fille hurlait de désespoir et de douleur ; elle se jeta aux pieds de ses maîtres et leur demanda pardon de sa coupable négligence.

« Il n’y a pas de doute, elle est tombée à l’eau, cherchons », dit le pilote Rafau, avec des larmes dans la voix. Il pensait en lui-même, le brave homme, que ce malheur pouvait arriver à ses deux petites mignonnes.

Et, tout autour des barques et des navires, ce furent un branle-bas général, une agitation excessive. Avec des galles, des filets, des crochets, on sondait le vase que l’eau couvrait à présent entièrement ; mais on ne trouva rien.

Mme Baude anéantie, les yeux démesurément ouverts, regardait le bassin avec le désir de s’y précipiter.

Poussés par la marée, quelques bateaux commencèrent à détacher leurs amarres pour gagner le large. :

M. et Mme Baude, tous leurs voisins, leurs amis peu à peu avertis, et auxquels s’étaient joints de nombreux curieux, restèrent en vain sur le port bien avant dans la nuit et jusqu’au départ du dernier navire.

Et ce même jour où Liette avait disparu, une lettre de Pondichéry avait annoncé à M. et Mme Baude que Liette venait d’avoir une petite sœur,

« Hélas ! une remplaçante, hasarda quelqu’un.