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LA TOUR DE LA LANTERNE.

Zélia et Liette s’approchèrent du bonhomme :

« Ah ! vous voilà, mademoiselle Liette, comme vous êtes mignonne et grandie, lui dit le vieux avec un regard attendri ! Et vous Zélia, comment que ça va, ma fille ? Ah ! « bonnes gens », comme je suis content de vous revoir à neut ! »

Et le père Malaguin, joyeux de la rencontre, posa sa meule à terre pour causer plus commodément avec Zélia, heureuse, elle aussi, de pouvoir s’informer des gens de la Voirette.

Liette, le premier moment de reconnaissance passé, très intéressée par les superbes bateaux que le marée montante faisait danser sur leurs amarres, s’éloigna un peu d’eux ; puis, les voyant très occupés à se parler bas et mystérieusement, s’esquiva vers les bords du bassin.

Entièrement aux confidences du père Malaquin, Zélia avait complètement oublié sa fillette ; elle parlait presque dans la figure du vieux, les traits contractés, avec des mouvements d’humeur qui décelaient une violente émotion.

Que lui disait-elle donc de si intéressant pour le retenir aussi longtemps attentif ? Il opinait de la tête, et ils ne s’apercevaient, ni l’un, ni l’autre, que la dispute des poissardes était terminée et que le cercle des curieux s’était rompu.

Après un long conciliabule à voix basse, Zélia reprit tout haut :

« C’est comme je vous le dis, père Malaquin, il faudra voir mon oncle et tout lui conter. Il lui fera entendre raison peut-être !

— Oui, répondit le vieux, soyez tranquille, je serai à la Voirette dans le courant de la semaine prochaine, j’y parlerai à votre oncle. »

Et soulevant son épaule pour y caler le bâton de sa meule, il se dispose à partir.

« Allons, vous faites pas de chagrin, ajouta-t-il. Il est pas péri pour ça, bonnes gens, vot’vieux père. Mais disez donc, ma fille, ousqu’est vot’petite demoiselle ? Je ne la vois plus pour lui dire bonsoir.

— Oh ! pas bien loin pour sûr, reprit Zélia, en regardant autour d’elle ; elle était là il y a une minute. »