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RETOUR AU FOYER.

Liette écoutait, se faisant très sage, se dissimulant même pour qu’on oubliât l’heure de son coucher. Elle prenait des leçons de réflexion, en attendant de pouvoir penser fructueusement par elle-même. Mais, si par hasard la conversation tournait à la discussion, — ce qui arrivait parfois, — elle s’esquivait en hâte par horreur de la mésintelligence ; et dans ce petit cerveau de huit ans germaient déjà des thèses curieuses sur la bonne méthode à suivre pour avoir le dernier mot, et sur le droit que nous avons tous de penser ce que bon nous semble, sans être obligés de subir la mauvaise humeur de ceux qui ne sont pas de notre avis.

Elle, qui écoutait pour le plaisir d’entendre, remarquait, par exemple, qu’on donnait plus souvent raison à celui qui savait d’abord se taire, plutôt qu’au beau parleur, qui fatiguait sans convaincre. Elle voyait des hommes, tels que M. J.-J. Weiss, ne faire jamais autrement et ranger tout le monde à leur avis.

Il était temps qu’on se préoccupât de la présence de Liettre, et sa grand’mère, conseillée à ce sujet par M. Leypeumal, songea sérieusement à la mettre en pension après l’hiver.

À ce propos, quelques controverses eurent lieu. Les uns prétendaient que les couvents ne valaient rien pour former le jeune âge. C’était l’avis de M. Moutard ; M. Baude était d’une opinion contraire qu’il soutenait vivement.

Liette écoutait les débats d’une oreille indifférente. Peu lui importait d’être élevée par les bonnes religieuses qu’elle voyait à Chavagnes, ou par Mlle Desportes, la distinguée directrice de la grande maison d’éducation de la rue Dauphine.

Elle ne comprenait en tout cela qu’une chose : il faudrait bientôt Be séparer de sa chère maman.