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pour être capable de comprendre ceux qui les observaient encore et ceux qui s’en étaient affranchis.

Il ne me connaissait pas et ne connaissait aucun de mes amis : il n’avait en lui aucun portrait de moi qu’il me faudrait respecter ; et, comme il n’appartenait pas à un « monde », il n’avait pas en lui un portrait type de femme contre lequel le mien se heurterait. J’eus tout de suite envie de lui parler de moi. Depuis toujours je cherchais quelqu’un devant qui je pourrais dérouler mon film. Tout être humain n’éprouve-t-il pas cette faiblesse ? Je me parlais à moi-même, mais l’austérité de ce monologue me fatiguait parfois ; il est tellement plus facile d’avoir un complice qui plaigne, approuve, écoute ; on prend de l’importance ; les choses qu’on dit deviennent tangibles, forment un univers de roman où l’on prend un rôle. Jusqu’à quel point respecte-t-on l’absolue vérité ? Puis ces petits romans se vident de leur souffrance : celle-ci se fixe, devient une entité extérieure à l’âme. J’avais, par moments, besoin de cette facilité. Je me raidissais pour garder mon intégrité ; mais, pour rassurer ma