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votre vie nouvelle : la vie de chaque jour usera vite la vitalité des choses passées. Je n’ai pas voulu non plus faire le geste traditionnel que font les amants quand ils se quittent. Je vous laisserais bien toutes ces choses du passé, parce qu’elles n’ont plus de sens ni d’importance. Seulement, j’ai pensé à votre femme. Que vous ne lui parliez pas de moi, je le comprends ; mais il ne faut alors rien garder de moi chez vous : ce serait un secret gênant qu’elle pourrait découvrir. Si vous lui parlez de moi, j’ai un certain malaise à penser que ce sera peut-être du ton dont vous me parliez d’autres femmes que vous aviez aimées. Il y en a une dont vous m’avez dit, pour expliquer votre rupture : « J’en avais assez. » Vos yeux s’étaient durcis ; vous aviez pris une voix rauque, voilée, du fond de la gorge, et votre regard s’était pendant un moment fixé au loin. C’était une raison sans appel ; on en dit autant, au sortir de table, quand on a bien déjeuné : on aurait tort d’insister. Quelques secondes plus tard, vous vous êtes frotté les yeux longuement, et vous avez ajouté avec un soupir venant du fond du cœur : « Elle est