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doux, tu lui parles, tu t’inquiètes d’elle ; tu la consoles par des mots tendres, tu la berces. Mais tu ne la juges pas, puisque tu lui demandes d’être heureuse par toi et de te dire qu’elle est heureuse par toi. Mais si tu t’aperçois que deux yeux te regardent, puis sourient, tu te révoltes. Tu as l’impression qu’on t’a « vu » et tu ne veux pas être vu : tu veux « être » seulement. Avec inquiétude, tu demandes : « À quoi penses-tu ? »

Je pense à toi. Tu as un petit rire de la gorge et des dents que je n’aime pas. Tes yeux se ferment un peu, comme pour pénétrer l’esprit de ton interlocuteur et lui montrer que tu as vu clair en lui. Tes lèvres se retroussent légèrement sur des dents qui apparaissent noires et ta tête tout entière se tend en avant. Tu prends cet air quand tu exposes une théorie lumineuse que tu viens de découvrir ou quand tu as trouvé le moyen de ramener à un sentiment mesquin ce qu’on croyait être une belle pensée. Tu ressembles à un petit commerçant qui ne veut pas se laisser faire. Je suis gênée quand tu es ainsi : tu te rapetisses. Mais il ne faudrait pas que quelqu’un s’aperçoive de ce