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je leur avais prêté mon âme ; comme rien ne se produit plus, l’action antérieure se vide et se brise ; j’ai l’impression d’avoir donné mon moi à une armature dont la raideur se rit de mon angoisse : Je ne peux même pas m en prendre à elle. Les gestes ébauchés dans la dernière pellicule impressionnée font mal ; ils étaient pleins de promesses : des pellicules vides tiennent ces promesses.

Quand une souffrance est inconnue, on a plus de force pour lui résister, car on ignore sa puissance : on ne voit que la lutte et on espère qu’une vie plus pleine reprendra plus tard. Mais quand on sait, on voudrait lever les mains pour crier grâce et dire avec une stupeur fatiguée : « Encore ! » On voit d’avance toutes les phases douloureuses par où il faudra passer et on sait qu’après il y a le vide.

Il y aura le réveil au petit matin, quand la souffrance est là encore impuissante et qu’on prie le Seigneur de vous laisser dormir encore. C’est comme une tumeur enveloppée d’ouate : et tout à coup un élancement violent se fait sentir. C’est une image petite, précise, qui, deux jours plus tôt, aurait paru inoffensive ;