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Il est vrai que je suis maladroite ; je ne sais pas exprimer un sentiment ; dès que j’en ai dit quelques mots, je me moque de moi, je me moque de l’autre, je détruis par une phrase ironique l’impression produite. C’est une méfiance de moi ; c’est un étonnement de m’entendre dévoiler ce que j’éprouve comme le dévoilent tous les autres. Je m’écoute comme si c’était une autre personne qui parlait et je crois ne plus être sincère ; les mots me paraissent gonfler mes sentiments et les rendre étrangers. Puis il me semble qu’on va sourire ainsi qu’à une enfant qui parle de choses qu’elle ignore. Il n’est pas possible que ce soit moi qui dise : je vous aime. Si l’on me croyait et que je me sois trompée ! Il faut alors que je termine mes phrases par une pirouette qui semble dire : « Vous, vous m’aimez, puisque vous me le dites ; mais moi, je crains qu’en aimant comme je fais, ce ne soit pas ainsi que l’on aime : les autres doivent mieux savoir aimer que moi et mieux savoir le dire. » J’ai peur de découvrir un jour que je n’aime pas et, d’avance, je fais naître des doutes sur mes sentiments, je redoute qu’on en vienne à