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tandis que la terre tourne

Toi qui te promenant dans les jeunes allées
Où notre amour secret se rejoignait, le soir,
Connus le gazouillis de nos deux voix mêlées,
Quand les astres mouillés sur nous semblaient pleuvoir
Et que tu te cachais derrière la ramure
Pour faire peu de jour sur nos baisers peureux.
Jamais comme en ce temps je ne te vis si pure,
Le vallon retenait ton souffle dans son creux,
Nos lèvres, le buisson, l’ombre, la violette,
Se remplissaient d’émois, de murmures, d’odeurs
Sous le balancement qu’avait ta cassolette.

Et maintenant encor tu répands tes lueurs
Dans mon jardin d’été qui t’effeuille des roses,
Plus recueilli mon front se pose sur le tien ;
J’épie avec tes yeux les nombres grandioses
Et nous avons la nuit de sages entretiens.
J’ai pris plus de beautés à boire ton haleine
Qu’à fondre dans mes doigts les perles du matin,
Tu m’appris le néant des hommes et des plaines
Et le petit chemin que fait notre destin.