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tandis que la terre tourne

J’aurai l’insouciance agreste de la chèvre,
Parfois je t’offrirai des fraises sur ma lèvre,
Parfois comme la prêle et les fins peupliers
Dans l’eau pleine d’azur nous tremperons nos pieds.
Tu prendras le bouc mâle et roux par la barbiche,
Nous trouverons le tertre où la taupe se niche ;
Nous verrons la belette au corsage élancé
Disparaître élégante aux ronces d’un fossé.
L’automne ayant jeté des feuilles sur la porte,
Nous y découvrirons la sauterelle morte ;
Nous jouerons au ressort de ses pattes longtemps.
Mais nous serons surtout les frères du printemps.
J’aurai des parentés avec la mère-poule,
Avec la mère-biche, avec la guêpe soûle
Qui fait glisser son vol sur un fil de soleil
Et qui baise sur l’œil l’alicante vermeil.
Les bourgeons paraîtront des tétines de chatte
Que bleuit le chaton sous sa morsure ingrate ;
Je verrai fluer du lait dans les eaux
Où nage l’aurore ;
Nos mains chercheront entre les roseaux
La conque sonore.