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le mois de mars

Le dimanche des Bures ou des Brandons, qui est le premier du carême, est le jour où les habitants de Remiremont font leur première sortie de l’hiver. Qu’il pleuve, qu’il neige ou qu’il vente, on les voit tous prendre le même chemin et se diriger lentement, à pas comptés, vers les ruines d’une ancienne maladrerie située à quinze ou vingt minutes de la ville. Autour de la pauvre chapelle qui perpétue le souvenir de cet asile de la souffrance, et porte le nom de la Madeleine, se dressent ce jour-là de nombreuses boutiques de jouets et de friandises. C’est fête, en effet, pour les enfants, comme c’était fête, sans doute, à pareil jour, il y a trois ou quatre siècles, pour les lépreux de Remiremont. Quand, à côté des vêtements destinés aux malheureux parias par les bourgeois de la ville, la main compatissante d’un enfant glissait quelque appétissant petit pain à la croûte dorée, une tarte, des gâteaux, elle s’aidait, pour faire parvenir toutes ces bonnes choses à leur adresse, d’une longue baguette de saule ou de coudrier. Et il était prudent d’agir ainsi, en présence d’un mal terrible, sans remèdes, et qui se propageait par le seul contact. Le mal a disparu, le souvenir s’en est éteint, mais la coutume reste. C’est encore au bout de baguettes toutes