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le mois de septembre

dru dans la sébile. Tout va bien. À qui le tour ?

Bientôt, il ne reste plus à servir qu’une femme, une bonne vieille femme des dessus de La Bresse, tout éclopée, qui s’achemine cahin-caha, virant à droite, virant à gauche, sans guère plus avancer qu’un escargot traînant sa maison. Le curé l’attend, non sans quelque impatience, en tenant à la main une bûchette à indulgence plénière. Toute tremblante, la vieille finit par arriver près du distributeur, examine avec soin ce qu’il lui tend, branle la tête et dit :

— Faites excuse, M. le curé, mais si ça ne vous fait rien, comme je n’ai plus de dents, j’aimerais mieux du regain.

— Des manières ? répond le curé, allons donc, pas plus de faveur pour toi que pour les autres ! Au contraire, pour t’apprendre à faire la petite bouche, tu mangeras tout entière cette poignée qui me reste, et dans laquelle se trouve justement un chardon. »

Si le curé de Gérardmer dut se reconnaître battu, cela ne veut pas dire que ses ouailles ne soient aussi d’une belle force. On verrait plutôt les Gérômais se promener sans chemise, au cœur de l’hiver, que faire un pas en dehors de leurs habitations, sans avoir une hotte sur le dos. Ils la traînent partout cette hotte de malheur, aux champs, au village, même à l’église, où ils la