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phénomènes anaptyctiques postérieurs.

semi-voyelle apparaît en sanskrit sous la forme an (p. 34), le zend ǵaɣnvāo = ǵaghanvā́n prouve qu’à l’époque arienne il n’y avait devant la nasale qu’une voyelle irrationnelle.[1]

Les indices que fournissent les langues classiques, ceux du moins que j’ai aperçus, sont trop peu décisifs pour qu’il vaille la peine de les communiquer. Dans les langues germaniques, M. Sievers (Beiträge de P. et B. V 119) montre que la naissance de l’u devant les sonantes , , , , ń̥ date de la période de leur unité et ne se continue point après la fin de cette période. Ainsi le got. sitls, c’est-à-dire sitl̥s, qui, ainsi que l’a prouvé l’auteur, était encore *set-las à l’époque de l’unité germanique, n’est point devenu « situls ».

§ 3. Complément aux paragraphes précédents.

Il faut distinguer des anciennes liquides et nasales sonantes différents phénomènes de svarabhakti plus récents qui ont avec elles une certaine ressemblance.

C’est ainsi qu’en grec le groupe consonne + nasale + y devient consonne + ανy[2] : ποιμν + yω donne *ποιμανyω, ποιμαίνω ; τι-τν + yω donne *τιτανyω, τιταίνω ; le dernier verbe est formé comme ἵζω qui est pour σι-σδ-yω (v. Osthoff, Das Verbum etc., p. 340). Les féminins τέκταινα pour *τεκτν-yα, Λάκαινα, ζύγαινα etc. s’expliquent de la même manière.

Les liquides sont moins exposées à ce traitement, comme l’indique par exemple ψάλτρια en regard de Λάκαινα. Le verbe

  1. Si le skr. amā́ « domi » pouvait se comparer au zd. nmāna « demeure », ou aurait un exemple de a = produit dans la période indienne. Mais le dialecte des Gāthās a demāna (Spiegel, Gramm. der Ab. Spr., p. 346), et cette forme est peut-être plus ancienne ?
  2. On peut néanmoins considérer l’αν ainsi produit comme représentant une nasale sonante, la nasale, comme dans le skr. ǵaghanvā́n = *ǵaghn̥wā́n (p. 34) ayant persisté devant la semi-voyelle. Ainsi ποιμαίνω = ποιμn̥yω. Dans un mot comme *ποιμνyον, s’il a existé, la langue a résolu la difficulté dans le sens inverse, c’est-à-dire qu’elle a dédoublé y en iy: *ποίμνιyον, grec historique ποίμνιον. Nous retrouvons les deux mêmes alternatives dans les adverbes védiques en -uyā ou -viyā : *āçwyā se résout en āçuyā́, tandis que *urwyā devient urviyā́. Dans ces exemples indiens on ne voit pas ce qui a pu déterminer une forme plutôt que l’autre. Dans le grec au contraire, il est certain que la différence des traitements a une cause très profonde, encore cachée il est vrai ; le suffixe de ποίμνιον est probablement non -ya, mais -ia ou -iya : il y a entre ποιμαίνω et ποίμνιον la même distance qu’entre ἅζομαι et ἅγιος ou qu’entre οὖσα et οὐσία. La loi établie par M. Sievers, Beitr. de P. et B. V 129, n’éclaircit pas encore ce point.