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avantages de la théorie des liquides et nasales sonantes.

K. Z. XXIV 25 seq. Certains cas comme Ζῆν = dyā́m, βῶν = gā́m, semblent remonter plus haut encore. De même, dans le verbe, on a la 1re pers. vam = *varm (Delbrück, A. Verb., p. 24). Si cette prononciation s’est perpétuée jusqu’après la substitution de l’a à la nasale sonante, on conçoit que l’m de patarm et ā́sm ait été sauvé et se soit ensuite développé en -am par svarabhakti. – Le got. fadar pour *fadarm a perdu la consonne finale, tandis que *tehm̥ se développait en taihun. En ce qui concerne la première personne du verbe, M. Paul a ramené le subjonctif bairau à *bairaj-u = skr. bhárey-[a]m ; si cet -u ne s’accorde guère avec la disparition totale de la désinence dans fadar, il laisse subsister du moins la différence avec les noms de nombre, qui ont -un. M. Brugmann a indiqué (p. 470) une possibilité suivant laquelle l’acc. tunþu appartiendrait à un thème tunþ- ; l’accord avec bairāu serait alors rétabli ; mais pourquoi fadar et non « fadaru » ? Doit-on admettre une assimilation de l’accusatif au nominatif ? – Le slave *materem, matere doit s’être développé sur *materm encore avant l’entrée en vigueur de la loi qui a frappé les consonnes finales. La première personne des aoristes non-thématiques něsŭ, nesochŭ n’est plus une forme pure : elle a suivi l’analogie de l’aoriste thématique. Du côté opposé nous trouvons imę pour imn̥. – Nous aurions dû faire remarquer plus haut déjà que la règle établie par M. Leskien suivant laquelle un ą final contient toujours un ancien ā long n’entraîne pas d’impossibilité à ce que ę dans les mêmes conditions continue une nasale sonante ; car ce dernier phonème a pu avoir une action toute spéciale (cf. got. taihun etc. où il a conservé la nasale contre la règle générale), et l’ę ne termine le mot que dans ce cas-là. – En grec et en latin les deux finales se sont confondues dans un même traitement.

Mentionnons encore la 1e pers. du parf. skr. véd-a, gr. οἶδ-α. Aux yeux de M. Brugmann la désinence primitive est -m. Dans ce cas, dit M, Sievers, le germ. vait est parti de la 3e personne, car le descendant normal de vaidm̥ serait « vaitun ».

En résumé, la somme de faits dont il a été question dans ce chapitre et dont nous devons la découverte à MM. Brugman et Osthoff[1] est extrêmement digne d’attention. Ces faits trouvent leur explication dans l’hypothèse des mêmes savants de liquides et de nasales sonantes proethniques, que nous regardons à l’avenir comme parfaitement assurée. – Résumons les arguments les plus saillants qui parlent en sa faveur :

1. Pour ce qui est des liquides, quiconque ne va pas jusqu’à nier le lien commun que les faits énumérés ont entre eux, devra reconnaître aussi que l’hypothèse d’un r voyelle est celle qui en rend compte de la manière la plus simple, celle qui se présente le plus

  1. L’hypothèse des liquides sonantes indo-européennes a été faite il y a deux ans par M. Osthoff, Beiträge de Paul et Braune III 52, 61. La loi de correspondance plus générale qu’il établissait a été communiquée avec son autorisation dans les Mémoires de la Soc. de Ling. III 282 seq. Malheureusement ce savant n’a donné nulle part de monographie complète du sujet.