Page:Saussure - Recueil des publications scientifiques 1922.djvu/17

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
7
les phonème aet ade brugmann.

du nord ont laissé se confondre deux phonèmes fondamentalement distincts et encore distingués au sud de l’Europe : a, voyelle simple, opposée à l’e ; et o, voyelle renforcée, qui n’est qu’un e à sa plus haute expression. La dispute entre les partisans du scindement (a primitif affaibli partiellement en e) et ceux du double a originaire (a₁, a₂ devenus e et a), cette dispute, il faut le dire, porte dans le vide, parce qu’on comprend sous le nom d’a des langues d’Europe un agrégat qui n’a point d’unité organique.

Ces quatre espèces d’a que nous allons essayer de retrouver à la base du vocalisme européen, nous les poursuivrons plus haut encore, et nous arriverons à la conclusion qu’ils appartenaient déjà à la langue mère d’où sont sorties les langues de l’Orient et de l’Occident.




Chapitre I.
Les liquides et nasales sonantes.




Avant de commencer une recherche sur l’a, il est indispensable de bien déterminer les limites de son domaine, et ici se présente d’emblée la question des liquides et nasales sonantes : car quiconque admet ces phonèmes dans la langue mère considérera une foule de voyelles des périodes historiques de la langue comme récentes et comme étrangères à la question de l’a.

L’hypothèse des nasales sonantes a été mise en avant et développée par M. Brugmann, Studien IX 287 seq. Dans le même travail (p. 325), l’auteur a touché incidemment le sujet des liquides sonantes, dont la première idée est due, paraît-il, à M. Osthoff.

§ 1. Liquides sonantes.

Dans la langue mère indo-européenne la liquide ou les liquides, si l’on en admet deux, existaient non seulement à l’état de consonnes, mais encore à l’état de sonantes, c’est-à-dire qu’elles étaient susceptibles d’accent syllabique, capables de former une syllabe. C’est ce qui a lieu, comme on sait, en temps historique, dans le sanskrit. Tout porte à croire que les liquides sonantes n’ont jamais pris naissance que par un affaiblissement, en raison duquel