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désigné et doit continuer à désigner l’étude des évolutions des sons ; l’on ne saurait confondre sous un même nom deux études absolument distinctes. La phonétique est une science historique ; elle analyse des événements, des transformations et se meut dans le temps. La phonologie est en dehors du temps, puisque le mécanisme de l’articulation reste toujours semblable à lui-même.

Mais non seulement ces deux études ne se confondent pas, elles ne peuvent même pas s’opposer. La première est une des parties essentielles de la science de la langue ; la phonologie, elle, — il faut le répéter, — n’en est qu’une discipline auxiliaire et ne relève que de la parole (voir p. 36). Sans doute on ne voit pas bien à quoi serviraient les mouvements phonatoires si la langue n’existait pas ; mais ils ne la constituent pas, et quand on a expliqué tous les mouvements de l’appareil vocal nécessaires pour produire chaque impression acoustique, on n’a éclairé en rien le problème de la langue. Celle-ci est un système basé sur l’opposition psychique de ces impressions acoustiques, de même qu’une tapisserie est une œuvre d’art produite par l’opposition visuelle entre des fils de couleurs diverses ; or, ce qui importe pour l’analyse, c’est le jeu de ces oppositions, non les procédés par lesquels les couleurs ont été obtenues.

Pour l’esquisse d’un système de phonologie nous renvoyons à l’Appendice, p. 63 ; ici, nous rechercherons seulement quel secours la linguistique peut attendre de cette science pour échapper aux illusions de l’écriture.

§ 2.

L’écriture phonologique.

Le linguiste demande avant tout qu’on lui fournisse un moyen de représenter les sons articulés qui supprime toute équivoque. De fait, d’innombrables systèmes graphiques ont été proposés.