Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/41

Cette page a été validée par deux contributeurs.

Chapitre V

Éléments internes et éléments externes de la langue

Notre définition de la langue suppose que nous en écartons tout ce qui est étranger à son organisme, à son système, en un mot tout ce qu’on désigne par le terme de « linguistique externe ». Cette linguistique-là s’occupe pourtant de choses importantes, et c’est surtout à elles que l’on pense quand on aborde l’étude du langage.

Ce sont d’abord tous les points par lesquels la linguistique touche à l’ethnologie, toutes les relations qui peuvent exister entre l’histoire d’une langue et celle d’une race ou d’une civilisation. Ces deux histoires se mêlent et entretiennent des rapports réciproques. Cela rappelle un peu les correspondances constatées entre les phénomènes linguistiques proprement dits (voir p. 23 sv.), Les mœurs d’une nation ont un contre-coup sur sa langue, et, d’autre part, c’est dans une large mesure la langue qui fait la nation.

En second lieu, il faut mentionner les relations existant entre la langue et l’histoire politique. De grands faits historiques comme la conquête romaine, ont eu une portée incalculable pour une foule de faits linguistiques. La colonisation, qui n’est qu’une forme de la conquête, transporte un idiome dans des milieux différents, ce qui entraîne des changements dans cet idiome. On pourrait citer à l’appui toute espèce de faits : ainsi la Norvège a adopté le danois en s’unissant politiquement au Danemark ; il est vrai qu’aujourd’hui les