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Chapitre V

Familles de langues et types linguistiques[1]

Nous venons de voir que la langue n’est pas soumise directement à l’esprit des sujets parlants : insistons en terminant sur une des conséquences de ce principe : aucune famille de langues n’appartient de droit et une fois pour toutes à un type linguistique.

Demander à quel type un groupe de langues se rattache, c’est oublier que les langues évoluent ; c’est sous-entendre qu’il y aurait dans cette évolution un élément de stabilité. Au nom de quoi prétendrait-on imposer des limites à une action qui n’en connaît aucune ?

Beaucoup, il est vrai, en parlant des caractères d’une famille, pensent plutôt à ceux de l’idiome primitif, et ce problème-là n’est pas insoluble, puisqu’il s’agit d’une langue et d’une époque. Mais dès qu’on suppose des traits permanents auxquels le temps ni l’espace ne peuvent rien changer, on heurte de front les principes fondamentaux de la linguistique évolutive. Aucun caractère n’est permanent de droit ; il ne peut persister que par hasard.

Soit, par exemple, la famille indo-européenne ; on connaît les caractères distinctifs de la langue dont elle est issue ; le système des sons est d’une grande sobriété ; pas de groupes compliqués de consonnes, pas de consonnes doubles ; un vocalisme monotone, mais qui donne lieu à un jeu d’alter-

  1. Bien que ce chapitre ne traite pas de linguistique rétrospective, nous le plaçons ici parce qu’il peut servir de conclusion à l’ouvrage tout entier (Ed.).