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3o *kindi-na-z « le chef de la *kindi-z = lat. gens ». Comme le chef d’une gens était, par rapport à celui d’une *þeuđō, un vice-roi, ce terme germanique de kindins (absolument perdu par ailleurs) est employé par Ulfilas pour désigner le gouverneur romain d’une province, parce que le légat de l’empereur était, dans ses idées germaniques, la même chose qu’un chef de clan vis-à-vis d’un þiudans ; si intéressante que soit l’assimilation au point de vue historique, il n’est pas douteux que le mot kindins, étranger aux choses romaines, témoigne d’une division des populations germaniques en kindi-z.

Ainsi un suffixe secondaire -no- s’ajoute à n’importe quel thème en germanique pour donner le sens de « chef de telle ou telle communauté ». Il ne reste plus alors qu’à constater que latin tribūnus signifie de même littéralement « le chef de la tribus » comme þiudans le chef de la þiuda, et de même enfin domi-nus « chef de la domus », dernière division de la touta = þiuda. Dominus, avec son singulier suffixe, nous semble une preuve très difficilement réfutable non seulement d’une communauté linguistique mais aussi d’une communauté d’institutions entre l’ethnisme italiote et l’ethnisme germain.

Mais il faut se rappeler encore une fois que les rapprochements de langue à langue livrent rarement des indices aussi caractéristiques.

§ 4.

Type linguistique et mentalité du groupe social.

Si la langue ne fournit pas beaucoup de renseignements précis et authentiques sur les mœurs et les institutions du peuple qui en fait usage, sert-elle au moins à caractériser le type mental du groupe social qui la parle ? C’est une opinion assez généralement admise qu’une langue reflète le caractère psychologique d’une nation ; mais une objection très grave s’oppose à cette vue : un procédé linguistique