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ne faisait pas ou presque pas usage de l’écriture, leur langue est conventionnelle et accuse tous les caractères d’une langue littéraire.


Les faits dont il a été question dans ce chapitre sont si fréquents qu’ils pourraient passer pour un facteur normal dans l’histoire des langues. Cependant nous ferons ici abstraction de tout ce qui trouble la vue de la diversité géographique naturelle, pour considérer le phénomène primordial, en dehors de toute importation de langue étrangère et de toute formation d’une langue littéraire. Cette simplification schématique semble faire tort à la réalité ; mais le fait naturel doit être d’abord étudié en lui-même.

D’après le principe que nous adoptons, nous dirons par exemple que Bruxelles est germanique, parce que cette ville est située dans la partie flamande de la Belgique ; on y parle le français, mais la seule chose qui nous importe est la ligne de démarcation entre le domaine du flamand et celui du wallon. D’autre part, à ce même point de vue, Liège sera roman parce qu’il se trouve sur territoire wallon ; le français n’y est qu’une langue étrangère superposée à un dialecte de même souche. Ainsi encore Brest appartient linguistiquement au breton ; le français qu’on y parle n’a rien de commun avec l’idiome indigène de la Bretagne ; Berlin, où l’on n’entend presque que le haut-allemand, sera attribué au bas-allemand, etc.