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d’un mot, comme nous l’avons vu p. 233 à propos du superlatif indo-européen *swād-is-to-s et du superlatif grec hḗd-isto-s.

En y regardant de plus près, on distingue trois phases dans ce phénomène :

1o la combinaison de plusieurs termes en un syntagme, comparable à tous les autres ;

2o l’agglutination proprement dite, soit la synthèse des éléments du syntagme en une unité nouvelle. Cette synthèse se fait d’elle-même, en vertu d’une tendance mécanique : quand un concept composé est exprimé par une suite d’unités significatives très usuelle, l’esprit, prenant pour ainsi dire le chemin de traverse, renonce à l’analyse et applique le concept en bloc sur le groupe de signes qui devient alors une unité simple ;

3o tous les autres changements susceptibles d’assimiler toujours plus l’ancien groupe à un mot simple : unification de l’accent (vért-júsverjús), changements phonétiques spéciaux, etc.

On a souvent prétendu que ces changements phonétiques et accentuels (3) précédaient les changements intervenus dans le domaine de l’idée (2), et qu’il fallait expliquer la synthèse sémantique par l’agglutination et la synthèse matérielles ; il n’en est probablement pas ainsi : c’est bien plutôt parce qu’on a aperçu une seule idée dans vert jus, tous jours, etc., qu’on en a fait des mots simples, et ce serait une erreur de renverser le rapport.

§ 2.

Agglutination et analogie.

Le contraste entre l’analogie et l’agglutination est frappant :

1o Dans l’agglutination deux ou plusieurs unités se confondent en une seule par synthèse (par exemple encore, de hanc horam), ou bien deux sous-unités n’en forment plus