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en français pour dites et faites, qui correspondent directement à latin dic-itis, fac-itis, mais qui n’ont plus de point d’appui dans la flexion verbale actuelle ; la langue cherche à les remplacer ; on entend dire disez, faisez, sur le modèle de plaisez, lisez, etc., et ces nouvelles finales sont déjà usuelles dans la plupart des composés (contredisez, etc.).

Les seules formes sur lesquelles l’analogie n’ait aucune prise sont naturellement les mots isolés, tels que les noms propres spécialement les noms de lieu (cf. Paris, Genève, Agen, etc.), qui ne permettent aucune analyse et par conséquent aucune interprétation de leurs éléments; aucune création concurrente ne surgit à côté d’eux.

Ainsi la conservation d’une forme peut tenir à deux causes exactement opposées : l’isolement complet ou l’étroit encadrement dans un système qui, resté intact dans ses parties essentielles, vient constamment à son secours. C’est dans le domaine intermédiaire des formes insuffisamment étayées par leur entourage que l’analogie novatrice peut déployer ses effets.

Mais qu’il s’agisse de la conservation d’une forme composée de plusieurs éléments, ou d’une redistribution de la matière linguistique dans de nouvelles constructions, le rôle de l’analogie est immense ; c’est toujours elle qui est en jeu.