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peu régulière de deux éléments tend à établir un lien entre eux. Wetter est instinctivement rapproché de wittern, parce qu’on est habitué à voir e alterner avec i. A plus forte raison, dès que les sujets parlants sentent qu’une opposition phonique est réglée par une loi générale, cette correspondance habituelle s’impose à leur attention et contribue à resserrer le lien grammatical plutôt qu’à le relâcher. C’est ainsi que l’ablaut allemand (voir p. 217), accentue la perception de l’unité radicale à travers les variations vocaliques.

Il en est de même pour les alternances non significatives, mais liées à une condition purement phonique. Le préfixe re- (reprendre, regagner, retoucher, etc.) est réduit à r- devant voyelle (rouvrir, racheter, etc.). De même le préfixe in-, très vivant bien que d’origine savante, apparaît dans les mêmes conditions sous deux formes distinctes : ẽ- (dans inconnu, indigne, invertébré, etc.), et in- (dans inavouable, inutile, inesthétique, etc.). Cette différence ne rompt aucunement l’unité de conception, parce que sens et fonction sont conçus comme identiques et que la langue est fixée sur les cas où elle emploiera l’une ou l’autre forme.