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préexistante ; la position différente de nov- dans nov-us et dans nov-ellus est à la fois antérieure au changement phonétique et éminemment grammaticale (cf. barō : barōnem). C’est cette dualité qui est à l’origine de toute alternance et qui la rend possible. Le phénomène phonétique n’a pas brisé une unité, il n’a fait que rendre plus sensible par l’écart des sons une opposition de termes coexistants. C’est une erreur, partagée par beaucoup de linguistes, de croire que l’alternance est d’ordre phonétique, simplement parce que les sons en forment la matière et que leurs altérations interviennent dans sa genèse. En fait, qu’on la prenne à son point de départ ou son point d’arrivée, elle appartient toujours à la grammaire et à la synchronie.

§ 5.

Les lois d’alternance.

Les alternances sont-elles réductibles à des lois, et de quelle nature sont ces lois ?

Soit l’alternance e : i, si fréquente en allemand moderne : en prenant tous les cas en bloc et pêle-mêle (geben : gibt, Feld : Gefilde, Welter : wittern, helfen : Hilfe, sehen : Sicht, etc.), on ne peut formuler aucun principe général. Mais si de cette masse on extrait le couple geben : gibt pour l’opposer à schelten : schilt, helfen : hilft, nehmen : nimmt, etc., on s’aperçoit que cette alternance coïncide avec une, distinction de temps, de personne, étc. ; dans lang : Länge, stark : Stärke, hart : Härte, etc., l’opposition toute semblable a : e est liée à la formation de substantifs au moyen d’adjectifs, dans Hand : Hände, Gast : Gäste, etc., à la formation du pluriel, et ainsi de tous les cas, si fréquents, que les germanistes comprennent sous le nom d’ablaut (voyez encore finden : fand, ou finden : Fund, binden : band ou binden : Bund, schiessen : schoss : Schuss, fliessen : floss : Fluss, etc.). L’ablaut, ou variation vocalique radicale coïncidant avec une opposition grammaticale, est un exemple