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met pas cela », on risque de transformer en caractère permanent un fait purement historique ; c’est une erreur comparable à celle qui formule un phénomène phonétique au présent ; prétendre que l’organe ionien est contraire à l’ā long et le change en ē, est tout aussi faux que de dire : ā « devient » ē en ionien.

L’organe ionien n’avait aucune répugnance à prononcer l’ā, puisqu’il l’admet en certains cas. Il ne s’agit donc pas d’une incapacité anthropologique, mais d’un changement dans les habitudes articulatoires. De même le latin, qui n’avait pas conservé l’s intervocalique (*genesisgeneris) l’a réintroduit un peu plus tard (cf. *rīssusrīsus) ; ces changements n’indiquent pas une disposition permanente de l’organe latin.

Il y a sans doute une direction générale des phénomènes phonétiques à une époque donnée chez un peuple déterminé ; les monophtongaisons des diphtongues, en français moderne sont les manifestations d’une seule et même tendance ; mais on trouverait des courants généraux analogues dans l’histoire politique, sans que leur caractère purement historique soit mis en doute et sans qu’on y voie une influence directe de la race.

II. On a souvent considéré les changements phonétiques comme une adaptation aux conditions du sol et du climat. Certaines langues du Nord accumulent les consonnes, certaines langues du Midi font un plus large emploi des voyelles, d’où leur son harmonieux. Le climat et les conditions de la vie peuvent bien influer sur la langue, mais le problème se complique dès qu’on entre dans le détail : ainsi à côté des idiomes scandinaves, si chargés de consonnes, ceux des Lapons et des Finnois sont plus vocaliques que l’italien lui-même. On notera encore que l’accumulation des consonnes dans l’allemand actuel est, dans bien des cas, un fait tout récent, dû à des chutes de voyelles posttoniques ; que certains dialectes du Midi de la