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Chapitre VI

Mécanisme de la langue

§ 1.

Les solidarités syntagmatiques.

L’ensemble des différences phoniques et conceptuelles qui constitue la langue résulte donc de deux sortes de comparaisons ; les rapprochements sont tantôt associatifs, tantôt syntagmatiques ; les groupements de l’un et l’autre ordre sont, dans une large mesure, établis par la langue ; c’est cet ensemble de rapports usuels qui la constitue et qui préside à son fonctionnement.

La première chose qui nous frappe dans cette organisation, ce sont les solidarités syntagmatiques : presque toutes les unités de la langue dépendent soit de ce qui les entoure sur la chaîne parlée, soit des parties successives dont elles se composent elles-mêmes.

La formation des mots suffit à le montrer. Une unité telle que désireux se décompose en deux sous-unités (désir-eux), mais ce ne sont pas deux parties indépendantes ajoutées simplement l’une à l’autre (désir+eux). C’est un produit, une combinaison de deux éléments solidaires, qui n’ont de valeur que par leur action réciproque dans une unité supérieure (désir×eux). Le suffixe, pris isolément, est inexistant ; ce qui lui confère sa place dans la langue, c’est une série de termes usuels tels que chaleur-eux, chanc-eux, etc. A son tour, le radical n’est pas autonome ; il n’existe que par combinaison avec un suffixe ; dans roul-is, l’élé-