Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/173

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

§ 2.

Les rapports syntagmatiques.

Nos exemples de la page 170 donnent déjà à entendre que la notion de syntagme s’applique non seulement aux mots, mais aux groupes de mots, aux unités complexes de toute dimension et de toute espèce (mots composés, dérivés, membres de phrase, phrases entières).

Il ne suffit pas de considérer le rapport qui unit les diverses parties d’un syntagme entre elles (par exemple contre et tous dans contre tous, contre et maître dans contremaître) ; il faut tenir compte aussi de celui qui relie le tout à ses parties (par exemple contre tous opposé d’une part à contre, de l’autre à tous, ou contremaître opposé à contre et à maître).

On pourrait faire ici une objection. La phrase est le type par excellence du syntagme. Mais elle appartient à la parole, non à la langue (voir p. 30) ; ne s’ensuit-il pas que le syntagme relève de la parole ? Nous ne le pensons pas. Le propre de la parole, c’est la liberté des combinaisons ; il faut donc se demander si tous les syntagmes sont également libres.

On rencontre d’abord un grand nombre d’expressions qui appartiennent à la langue ; ce sont les locutions toutes faites, auxquelles l’usage interdit de rien changer, même si l’on peut y distinguer, à la réflexion, des parties significatives (cf. à quoi bon ? allons donc ! etc.). Il en est de même, bien qu’à un moindre degré, d’expressions telles que prendre la mouche, forcer la main à quelqu’un, rompre une lance, ou encore avoir mal à (la tête, etc.), à force de (soins, etc.), que vous ensemble ?, pas n’est besoin de..., etc., dont le caractère usuel ressort des particularités de leur signification ou de leur syntaxe. Ces tours ne peuvent pas être improvisés, ils sont fournis par la tradition. On peut citer aussi les mots qui, tout en se prêtant parfaitement à l’analyse, sont