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En résumé la langue ne se présente pas comme un ensemble de signes délimités d’avance, dont il suffirait d’étudier les significations et l’agencement ; c'est une masse indistincte où l'attention et l'habitude peuvent seules nous faire trouver des éléments particuliers. L'unité n'a aucun caractère phonique spécial, et la seule définition qu'on puisse en donner est la suivante : une tranche de sonorité qui est, à l’exclusion de ce qui précède et de ce qui suit dans la chaîne parlée, le signifiant d'un certain concept.

§ 2.

Méthode de délimitation.

Celui qui possède une langue en délimite les unités par une méthode fort simple — du moins en théorie. Elle consiste à se placer dans la parole, envisagée comme document de langue et à la représenter par deux chaînes parallèles, celle des concepts (a), et celle des images acoustiques (b).

Une délimitation correcte exige que les divisions établies dans la chaîne acoustique (α β γ ....) correspondent à celles de la chaîne des concepts (α′ β′ γ′ ....) :

Soit en français sižlaprã : puis-je couper cette chaîne après l et poser sižl comme unité ? Non : il suffit de considérer les concepts pour voir que cette division est fausse. La coupe en syllabe : siž-la-prã n’a rien non plus de linguistique a priori. Les seules divisions possibles sont : 1° si-ž-la-prã (« si je la prends »), et 2° si-ž-l-aprã (« si je l’apprends »), et elles sont déterminées par le sens qu’on attache à ces paroles.

Pour vérifier le résultat de cette opération et s’assurer qu'on a bien affaire à une unité, il faut qu'en comparant