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même relation entre la réalité historique et un état de langue, qui en est comme la projection à un moment donné. Ce n’est pas en étudiant les corps, c’est-à-dire les événements diachroniques qu’on connaîtra les états synchroniques, pas plus qu’on n’a une notion des projections géométriques pour avoir étudié, même de très près, les diverses espèces de corps.

De même encore si l'on coupe transversalement la tige d'un végétal, on remarque sur la surface de section un dessin plus ou moins compliqué ; ce n’est pas autre chose qu’une perspective des fibres longitudinales, et l’on apercevra celles-ci en pratiquant une section perpendiculaire à la première. Ici encore une des perspectives dépend de l’autre : la section longitudinale nous montre les fibres elles-mêmes qui constituent la plante, et la section transversale leur groupement sur un plan particulier ; mais la seconde est distincte de la première car elle fait constater entre les fibres certains rapports qu’on ne pourrait jamais saisir sur un plan longitudinal.

Mais de toutes les comparaisons qu’on pourrait imaginer, la plus démonstrative est celle qu’on établirait entre le jeu de la langue et une partie d’échecs. De part et d’autre, on est en présence d’un système de valeurs et on assiste à leurs modifications. Une partie d’échecs est comme une réalisation artificielle de ce que la langue nous présente sous une forme naturelle.

Voyons la chose de plus près.

D'abord un état du jeu correspond bien à un état de la langue. La valeur respective des pièces dépend de leur