Page:Saussure - Cours de linguistique générale, éd. Bally et Sechehaye, 1971.djvu/121

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

faits diachroniques — on le voit clairement — n’ont aucun rapport avec le fait statique qu’ils ont produit ; ils sont d’ordre différent.

Voici un autre exemple, d’une portée tout à fait générale. En vieux-haut-allemand le pluriel de gast « l’hôte », fut d’abord gasti, celui de hant « la main », hanti, etc. etc.. Plus tard cet i- a produit un umlaut, c’est-à-dire a eu pour effet de changer a en e dans la syllabe précédente : gastigesti hantihenti. Puis cet -i a perdu son timbre d’où gestigeste, etc. En conséquence on a aujourd’hui Gast : Gäste, Hand : Hände, et toute une classe de mots présente la même différence entre le singulier et le pluriel. Un fait à peu près semblable s’est produit en anglo-saxon : on a eu d’abord fōt « le pied », pluriel *fōti ; tōþ, « la dent », pluriel *tōþi ; gōs, « l’oie », pluriel *gōsi, etc. ; puis par un premier changement phonétique, celui de l’umlaut, *fōti est devenu *fēti, et par un second, la chute de l’i final, *fēti a donné fēt ; dès lors, fōt a pour pluriel fēt ; tōþ, tēþ ; gōs, gēs (angl. mod. : foot : feet, tooth : teeth, goose : geese).

Précédemment, quand on disait gast : gasti, fōt : fōti, le pluriel était marqué par la simple adjonction d’un i ; Gast : Gäste et fōt : fēt montrent un mécanisme nouveau pour marquer le pluriel. Ce mécanisme n’est pas le même dans les deux cas : en vieil anglais, il y a seulement opposition de voyelles ; en allemand, il y a en plus, la présence ou l’absence de la finale -e ; mais cette différence n’importe pas ici.

Le rapport entre un singulier et son pluriel, quelles qu’en soient les formes, peut s’exprimer à chaque moment par un axe horizontal, soit :

• ⟷ • Époque A.

• ⟷ • Époque B.

Les faits, quels qu’ils soient, qui ont provoqué le passage