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Chapitre II

Immutabilité et mutabilité du signe

§ 1.

Immutabilité.

Si par rapport à l’idée qu’il représente, le signifiant apparaît comme librement choisi, en revanche, par rapport à la communauté linguistique qui l’emploie, il n’est pas libre, il est imposé. La masse sociale n’est point consultée, et le signifiant choisi par la langue, ne pourrait pas être remplacé par un autre. Ce fait, qui semble envelopper une contradiction, pourrait être appelé familièrement « la carte forcée ». On dit à la langue : « Choisissez ! » mais on ajoute : « Ce sera ce signe et non un autre. » Non seulement un individu serait incapable, s’il le voulait, de modifier en quoi que ce soit le choix qui a été fait, mais la masse elle-même ne peut exercer sa souveraineté sur un seul mot ; elle est liée à la langue telle qu’elle est.

La langue ne peut donc plus être assimilée à un contrat pur et simple, et c’est justement de ce côté que le signe linguistique est particulièrement intéressant à étudier ; car si l’on veut démontrer que la loi admise dans une collectivité est une chose que l’on subit, et non une règle librement consentie, c’est bien la langue qui en offre la preuve la plus éclatante.

Voyons donc comment le signe linguistique échappe à notre volonté, et tirons ensuite les conséquences importantes qui découlent de ce phénomène.