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ublier,

Croit te pouvoir pour eux dignement supplier.

Je n'ai pour y venir consulté que moi-même...

Ce que j'ose tenter en ce péril extrême,

Prête pour ma patrie à me sacrifier,

Le succès doit l'absoudre, ou ma mort l'expier.

Spartacus

Votre cœur, Émilie, est grand et magnanime,

Et si j'ai pu forcer ce cœur à quelque estime,

Si le mien fut par vous digne d'être vaincu,

Vous ne voudriez pas lui ravir sa vertu ?

Émilie

Non ; et pour le salut de mon père et de Rome,

S'il fallait immoler la vertu d'un grand homme,

J'aurais su, respectant un devoir rigoureux,

Ne te rien demander, et périr avec eux.

Mais toi-même, aujourd'hui, crains de souiller ta gloire ;

Ne prends point pour vertu l'abus de la victoire ;

Et sache que souvent l'ivresse de l'orgueil

Égara le vainqueur et marqua son écueil.

Eh ! Qu'a-t-on proposé dont ta vertu s'offense ?

Crassus t'offre la pourpre avec son alliance :

Il s'honore sans doute en s'alliant à toi ;

Mais que veux-tu de plus (sans te parler de moi)

Que d'avoir pu forcer les souverains du monde

À partager ce titre où leur orgueil se fonde,

Avec ce même esclave, objet de leur mépris,

Dont ils mettaient la tête indignement à prix ?

Spartacus

Ah ! Loin de Spartacus cet indigne partage !

J'aurais donc combattu pour mon seul avantage ?

Je ne mériterais qu'un opprobre éternel,

Si le vil intérêt d'agrandir un mortel

M'eût fait rougir de sang vos fleuves et vos plaines :

Non... Tout est abattu sous les aigles romaines ;

La terre gémissante appelait un vengeur ;